XIII
Qui a volÈ les tartes ?
Vous a-t-on racontÈ que la Reine de Coeur avait fait quelques tartes ? Et pouvez-vous me dire ce qu'elles sont devenues ?
´ Bien sšr que je peux vous le dire ! La Chanson ne le raconte-t-elle pas ? ª
C'est la Reine de Coeur,
Qui avait fait des tartes,
Tout un long jour d'ÈtÈ ;
C'est le Valet de Coeur,
Qui a volÈ les tartes,
VolÈ et emportÈ !D'accord, oui, c'est ce que dit la Chanson. Mais on ne saurait punir le pauvre Valet, simplement parce qu'il existe une Chanson ý son sujet. Il fallait le faire prisonnier, lui passer des chaÓnes aux poignets, et le traÓner devant le Roi de Coeur, pour qu'il soit jugÈ de faÁon rÈguliËre.
Maintenant, si vous regardez la grande image, vous verrez quelle chose importante est un procËs, quand le juge est un Roi !
Le Roi est trËs imposant, n'est-ce pas ? Mais il n'a pas l'air trËs heureux. J'ai l'impression que la grosse couronne posÈe sur le sommet de sa perruque, doit Ítre trËs lourde et incommode. Mais il faut, voyez-vous, qu'il porte les deux pour que les gens sachent bien qu'il est juge et qu'il est Roi.
Et la Reine, n'a-t-elle pas l'air contrariÈ ? Il y a lý, devant elle, sur la table, ce plat de tartes dont la confection lui a coštÈ tant de mal. Et il y a lý, devant elle, le mÈchant Valet (apercevez-vous les chaÓnes qui pendent de ses poignets ?) qui les lui a volÈes : aussi n'est-il pas Ètonnant, me semble-t-il, qu'elle se sente un peu contrariÈe.
Le Lapin Blanc se tient auprËs du Roi, et il lit tout haut la Chanson pour que chacun sache ý quel point ce Valet est un mÈchant ; et le jury (vous ne pouvez apercevoir que deux de ses membres, au banc des jurÈs, la Grenouille et le Canard) va devoir dÈcider s'il est ´ coupable ª ou ´ non coupable ª.
A prÈsent, il faut que je vous raconte l'accident qui arriva ý Alice.
Elle Ètait assise, voyez-vous, prËs du banc des jurÈs, et elle Ètait citÈe comme tÈmoin. Savez-vous ce qu'est un ´ tÈmoin ª? Un ´ tÈmoin ª est une personne qui a vu le prisonnier commettre ce dont il est accusÈ, ou qui, en tous cas, sait quelque chose d'important pour le procËs.
Mais Alice n'avait pas vu la Reine faire les tartes, et elle n'avait pas vu le Valet voler les tartes; et, en fait, elle ne savait rien au sujet de tout cela : aussi pourquoi diable voulait-on qu'elle fšt tÈmoin ! AssurÈment, je ne saurais vous le dire !
De toute faÁon, on la voulait. Le Lapin Blanc souffla donc dans sa grosse trompette, et il cria : ´ Alice ! ª Et Alice sauta sur ses pieds en grande h’te. Et alors...
Et alors, que pensez-vous qu'il arriva ? Eh bien, sa robe s'accrocha au banc des jurÈs, qui bascula, et tous les pauvres petits jurÈs firent la culbute !
Voyons si nous pouvons les reconnaÓtre tous les douze. Vous savez qu'il faut Ítre douze pour constituer un jury. Je vois la Grenouille, et le Loir, et le Rat, et le Furet, et le HÈrisson, et le LÈzard, et le Coq nain, et la Taupe, et le Canard, et l'Ecureuil, et un Oiseau criard, avec un long bec, juste derriËre la Taupe.
Mais cela ne fait que onze : nous devons en trouver un de plus.
Oh, n'apercevez-vous pas une petite tÍte blanche : elle Èmerge derriËre la Taupe, et juste sous le bec du Canard ? Cela nous fait bien douze.
Monsieur Tenniel (qui a peint les images) prÈtend que l'oiseau criard est un Cigogneau (naturellement vous savez ce que c'est ?) et que la petite tÍte blanche est un Souriceau. Il est mignon, n'est-ce pas ?
Alice les ramassa tous avec beaucoup de prÈcautions, et j'espËre qu'ils n'avaient pas eu grand mal ?